Le syndrome de l’intestin irritable (SII) est une maladie courante qui affecte ou aggrave le fonctionnement du côlon ou du gros intestin d’une personne. Les symptômes les plus courants qui accompagnent ce syndrome sont la diarrhée ou la constipation, les douleurs abdominales, les gaz et les crampes.
Bien qu’il cause un grand inconfort, le SII n’entraîne pas de problèmes plus graves, comme le cancer du côlon ou la colite ulcéreuse. Jusqu’à présent, la cause exacte de cette maladie est encore inconnue, mais de nombreux cas mettent en évidence un lien entre le syndrome de l’intestin irritable et des maladies ou troubles psychiatriques, comme la dépression, l’anxiété, le trouble bipolaire et la schizophrénie. Il est intéressant de noter que le SII et diverses affections psychiatriques sont de plus en plus ciblés par la recherche sur les microbiomes humains.
Le microbiome est l’écosystème complexe de micro-organismes répandu dans tout le corps, dont le tube digestif, et les preuves existantes suggèrent que les perturbations dans le microbiome peuvent entraîner à la fois de graves maladies gastro-intestinales ainsi que des troubles psychiatriques.[1] De nombreuses études montrent également le lien entre le microbiome et le système endocannabinoïde, un réseau de neurotransmission présent dans différentes zones et tissus de chaque mammifère, qui aide à réguler divers processus métaboliques[2].
Les études scientifiques sur l’utilisation des cannabinoïdes pour le traitement des troubles gastro-intestinaux sont encore limitées, mais certaines d’entre elles ont identifié de nombreux récepteurs cannabinoïdes dans l’intestin grêle et le gros intestin.
Interaction entre le système endocannabinoïde et le microbiome intestinal
Un microbiote est une communauté écologique de microorganismes présente dans tous les organismes multicellulaires, des plantes aux animaux. Cette communauté comprend des bactéries, des archaea, des protistes, des champignons et des virus. Une étude menée par Collins SM en 2009 a clarifié la capacité du système nerveux central à influencer le microbiote ou, à l’inverse, l’influence du microbiote sur le cerveau et le comportement. Dans le tractus gastro-intestinal (GI), le microbiote agit sur l’hôte qui maintient la fonction immunitaire normale des muqueuses, l’intégrité de la barrière épithéliale, la mobilité et l’absorption des nutriments. Le dysfonctionnement de cette action peut altérer la fonction gastro-intestinale et provoquer une propension à la maladie. Des études animales ont montré que les perturbations du comportement, dues au stress ou à l’anxiété, peuvent modifier la composition du microbiote, entraînant une vulnérabilité accrue aux stimuli inflammatoires dans le tractus GI[3]. Malheureusement, les découvertes les plus récentes dans le microbiome n’expliquent pas encore la connexion entre les bactéries intestinales, le système endocannabinoïde et le SII.
Même s’il est évident que le SII est un problème microbien et que les microbes peuvent influencer le système endocannabinoïde, le lien univoque entre eux n’a pas été bien identifié. Entre-temps, le cannabis représente l’une des options les plus prometteuses pour la prise en charge des symptômes du SII.
Dans une étude préclinique[4] publiée en 2007, il a été identifié qu’une administration orale de souches spécifiques de Lactobacillus induisait l’expression de récepteurs opioïdes et cannabinoïdes dans les cellules épithéliales intestinales, et médiait des fonctions analgésiques dans l’intestin, similaires aux effets de la morphine sur la douleur.
Utiliser le cannabis pour traiter les symptômes du syndrome de l’intestin irritable
Bien qu’il n’existe pas encore de preuves solides sur le lien entre cannabis et SII, il existe des moyens d’utiliser le cannabis comme traitement ou en complément des traitements, car il peut améliorer la qualité de vie des personnes qui en sont atteintes. Voici comment cette plante peut soulager les trois principaux symptômes du SII:
- Diarrhée : Chez les personnes souffrant de SII à prédominance diarrhéique (SII-D), le cannabis a déjà démontré sa capacité à réduire l’hypermotilité et à diminuer les crampes abdominales. (L’hypermotilité se produit lorsque les aliments traversent trop rapidement le tube digestif). En ce sens, le cannabis a été l’un des premiers traitements utilisés contre la diarrhée causée par le choléra au XIXème siècle[5].
- Douleur abdominale : La propriété analgésique des cannabinoïdes est un autre avantage pour les patients atteints du SII. Il a été démontré que le cannabis réduit la sensibilité viscérale chez les personnes souffrant de troubles gastro-intestinaux.
La « perception viscérale » est une façon de décrire la sensibilité à la douleur interne. Une étude de 2004[6] suggère qu’il existe des preuves solides pour les traitements aux cannabinoïdes dans la prise en charge des maladies intestinales comme le SII, en partie grâce à la capacité du cannabis à soulager la douleur nerveuse, peut-être en raison de ses propriétés anti-inflammatoires. Une autre revue de 2008[7] a montré que le traitement aux cannabinoïdes peut calmer la sensibilité et l’inflammation de la muqueuse intestinale chez les personnes atteintes de troubles digestifs. Autant de signes positifs pour les patients atteints du SII qui ont besoin de soulagement !
- Dépression : Les symptômes mentaux du SII sont tout aussi importants à traiter que les symptômes physiques. Une étude sur les rongeurs publiée en 2016 a révélé que le cannabidiol (CBD), un composant non psychoactif du cannabis, en une seule dose, atténuait efficacement les comportements antisociaux et réduisait en quelques minutes le comportement anxiogène. De plus, cette étude a montré que la CBD agissait plus longtemps que les antidépresseurs courants, qui ont parfois besoin de six semaines pour devenir efficace[8].
Ces symptômes peuvent être causés par une infection, mais une mauvaise alimentation peut aussi être la cause de maux. Les traitements utilisés jusqu’à présent pour faire face à ce symptôme comprennent des agents atropiniques, des antidépresseurs et d’autres médicaments, affectant une myriade de systèmes de neurotransmetteurs, souvent sans amélioration notable.
L’importance du système endocannabinoïde dans les fonctions gastro-intestinales
L’importance des endocannabinoïdes dans la fonction gastro-intestinale a été soulignée par le fait que le 2-arachidonylglycérol (2-AG) a été isolé, pour la première fois en 1995[9], dans l’intestin canin. Le rôle des mécanismes vanilloïdes dans le SII a également été étudié, et il convient de souligner que l’anandamide est un agoniste endogène des récepteurs VR1, tout comme le phytocannabinoïde cannabidiol (CBD)[10].
En même temps, Pertwee a étudié en profondeur la relation entre les cannabinoïdes et la fonction gastro-intestinale. Dans son étude, il a été constaté que le système nerveux entérique des mammifères exprime le récepteur CB1 et que sa stimulation diminue la motilité gastro-intestinale, en particulier par inhibition de la libération des neurotransmetteurs contractiles. Les effets observés qui en résultent, tels que le retardement de la vidange gastrique et le ralentissement de la motilité entérique, ont montré qu’ils sont médiés à la fois au niveau du cerveau et dans le tractus GI. Ces effets sont combattus par les antagonistes du récepteur CB1, ce qui confirme que la motilité gastro-intestinale est sous le contrôle du système endocannabinoïde. Il a également été démontré que l’inflammation intestinale chronique entraîne une régulation à la hausse ou une sensibilisation des récepteurs cannabinoïdes. Le CBD aurait peu d’effet sur la motilité intestinale en soi, mais en synergie avec le THC, il renforce l’effet régulateur. Selon cette thèse, Di Carlo et Izzo[11] ont suggéré des traitements utilisant des cannabinoïdes afin de faire face aux problèmes du SII chez les humains.
Bien que ces études n’aient pas encore été menées à ce jour, il existe des preuves prouvant que le cannabis a une longue histoire dans le traitement du choléra, des coliques intestinales et des troubles connexes, ainsi que dans les témoignages sur Internet de patients qui tentent de traiter le SII avec du cannabis médical. Toutes ces affirmations suggèrent que les endocannabinoïdes pourraient représenter la cible neuromodulatrice thérapeutique la plus prometteuse et que les traitements phytocannabinoïdes pourraient représenter une approche thérapeutique plus efficace et plus sûre à ce jour.
Tu as aimé ce post ? Evalue-le. Ce post a été réalisé sur la base de recherches existantes au moment de la date de publication de l’article. En raison du nombre croissant d’études sur le cannabis médical, l’information exposée peut varier au fil du temps et nous informerons des avancées dans les articles ultérieurs.
[1] Yu-Ming Chang, Mohamad El-Zaatari & John Y Kao (2014). Does stress induce bowel dysfunction? Expert Review of Gastroenterology & Hepatology Vol. 8, Iss. 6
[2] P. D. Cani (2012). Crosstalk between the gut microbiota and the endocannabinoid system: impact on the gut barrier function and the adipose tissue. Volume 18, Issue s4.
[3] Stephen M. Collins, Premsyl Bercik (2009). The relationship between intestinal microbiota and the central nervous system in normal gastrointestinal function and disease. Gastroenterology, Volume 136, Issue 6, Pages 2003–2014.
[4] Christel Rousseaux, Xavier Thuru et alt. (2007). Lactobacillus acidophilus modulates intestinal pain and induces opioid and cannabinoid receptors. Nature Medicine Volume 13, Pages 35–37.
[5] Ed Rosenthal, Dale H. Gieringer (1997). Marijuana Medical Handbook: Practical Guide to Therapeutic Uses of Marijuana. Chapter 3, pag.55.
[6] Pamela J Hornby and Stephen M Prouty (2004). Involvement of cannabinoid receptors in gut motility and visceral perception. British Journal of Pharmacology, 141, 1335–1345.
[7] K L Wright, M Duncan and K A Sharkey (2008). Cannabinoid CB2 receptors in the gastrointestinal tract: a regulatory system in states of inflammation. Br J Pharmacol, 153(2): 263–270.
[8] Linge R, Jiménez-Sánchez L et alt. (2016). Cannabidiol induces rapid-acting antidepressant-like effects and enhances cortical 5-HT/glutamate neurotransmission: role of 5-HT1A receptors. Neuropharmacology, 103:16-26.
[9] Raphael Mechoulam, Lumir Hanus, David R. Compton et alt, (1995). Identification of an endogenous 2-monoglyceride, present in canine gut, that binds to cannabinoid receptors. Biochemical Pharmacology 50(1):83-90.
[10]Tiziana Bisogno, Lumir Hanus, Luciano De petrocellis, Vincenzo Di Marzo (2001). Molecular targets for cannabidiol and its synthetic analogues: Effect on vanilloid VR1 receptors and on the cellular uptake and enzymatic hydrolysis of anandamide. British Journal of Pharmacology 134(4):845 – 852.
[11] Giulia Di Carlo and Angelo Izzo, (2003). Cannabinoids for gastrointestinal diseases: Potential therapeutic applications. Expert Opinion on Investigational Drugs 12(1):39-49.